Chaque semaine, une image parmi les 55 000 prises par Olivier Prévôt a été publiée sur ce site afin d'illustrer la diversité de ses intérêts, des personnes qu'il a rencontrées et des lieux qu'il a parcourus.

Homme avec un âne - le 19 octobre 2010, à proximité d'Ağrı, Kurdistan de Turquie

En octobre 2010, Olivier repartit pour l'Est de la Turquie, dans la ville d'Ağrı. Il décida, ce 19 octobre, de se rendre à un chantier de barrage du programme GAP.

Il s'est dirigé en premier vers le chantier et les engins en train de travailler. Il a d'abord photographié de près puis s'est éloigné du chantier et, bien plus loin au regard de l'heure enregistrée dans les images, il a croisé un homme sur un âne et accompagné de deux bergers d'Anatolie. Il le photographia.

L'homme l'a dépassé, il a vu Olivier et s'est retourné, arrêtant son chemin pour le regarder et mettant pied à terre. Il porte un blouson bleu foncé sans manche, un pull dessous, un pantalon jean bleu clair, des chaussures et chaussettes de ville. L'âne est vu entièrement de dos et semble placide. L'arrière plan immédiat est un tas de gravas. Un peu plus à l'arrière se trouve un peu sur la droite un pylône électrique sur une plaine d'herbes sèches avec quelques buissons effeuillés. Plus loin encore, des réservoirs cylindriques surmontent des alignements d'arbres conservant encore une part de leur feuillage. Au dessus de l'horizon paraissant entièrement plat, un ciel bleu un peu troublé au lointain par des poussières ocres masquant presque entièrement les montagnes, occupe près de la moitié supérieure de l'image. Le visage de l'homme est presque au centre de la photographie. Il apparaît un peu interrogateur, au point d'avoir interrompu son chemin.

Olivier a réalisé là un portrait conforme à toute une catégorie de sa production où le personnage est placé en situation mais tout de même un peu particulier. Il n'y a pas le décentrement de la composition qu'il affectionnait (il n'a peut-être pas eu le temps de l'effectuer voulant que la mise au point se fasse sur son sujet - et l'image suivante le prouve). Mais d'autres caractéristiques de son travail sont présentes : la place du ciel, le thème de l'empreinte humaine sur la nature, la désaturation des couleurs - ici d'ailleurs due à la luminosité écrasante de cette partie de la journée -, l'insignifiance de toute une partie de l'image - ici le tas de gravas - assimilable au premier plan, l'horizontalité structurante du paysage. La présence d'un animal a souvent tenté Olivier, bien qu'ici il ne soit pas bien vu.

La photographie a été assez bien notée. Elle s'insérait dans toute une série commençant par les deux chiens autour du cadavre d'un âne et terminant pas la poursuite de son chemin par l'homme. J'ai choisi deux images complémentaires, toutes deux prises après celle choisie pour l'image de la semaine.

La composition a été assez modifiée : ici l'homme est décentré conformément aux habitudes de prise de portrait chez Olivier. Le visage de son sujet est là nettement rieur. Le paysage montagneux se dessine un peu mieux sur la droite à travers les poussières de l'atmosphère. Le pylône est au centre de l'image, accentuant ainsi le contraste entre l'univers vivant - l'homme et son âne - et l'empreinte de la modernité. Cette photographie a été moins bien notée que l'image de la semaine, mais je la trouve symboliquement intéressante et bien construite.

L'homme s'est éloigné et Oliver a cadré beaucoup plus largement la scène, faisant disparaître le ciel et laissant apparaître au premier plan le cadavre d'un âne à moitié dévoré. J'ai beaucoup hésité à insérer cette photographie qu'Olivier n'avait pas notée : monter un cadavre, ne fusse que celui d'un animal, n'est guère admis dans nos temps de bienséance cotonneuse. Mais j'en ai ressenti la nécessité pour imprimer le décalage de ce monde réel des confins anatoliens - probablement un peu daté maintenant - avec notre « bulle » occidentale.

J'avais déjà publié une photographie de cette journée, le 1er août, qui avait été prise quelques minutes plus tard par Olivier.

Ces photographies pourraient faire partie d'un catalogue sur la vie dans les campagnes au Kurdistan de Turquie.

Image du 19 septembre 2022 - semaine 38 de 2022.

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