Chaque semaine, une image parmi les 55 000 prises par Olivier Prévôt a été publiée sur ce site afin d'illustrer la diversité de ses intérêts, des personnes qu'il a rencontrées et des lieux qu'il a parcourus.

Jeune berger - le 15 octobre 2010, Ağrı, Kurdistan de Turquie

En octobre 2010, Olivier repartit pour l'Est de la Turquie, dans la ville d'Ağrı. Il décida, ce 15 octobre, tôt le matin, de retourner au marché aux bestiaux.

Ce marché, il l'avait déjà photographié abondamment l'année précédente, à peu près à la même période avec un temps qui avait été particulièrement mauvais, neige et pluie. Ce matin d'octobre 2010, le ciel était couvert mais le sol était sec. Il s'est dirigé vers la partie consacrée aux bovins. Un jeune homme était à coté de son troupeau : il le photographia.

Le jeune homme se tient sur la partie droite de l'image. Il porte une casquette rose, un blouson beige à col fourré recouvrant un pull blanc, un pantalon noir et tient un bâton blanc avec des cercles noirs qui y sont régulièrement disposés. Il regarde Olivier, d'un air bienveillant et interrogateur. Derrière lui, sur un sol un peu couvert de paille, des vaches déambulent parmi des hommes, vendeurs ou acheteurs. Le ciel, très nuageux et menaçant, occupe la majeure partie de l'image.

Cette photographie présente les caractéristiques principales d'une partie des portraits réalisés par Olivier, ceux où le sujet est mis en situation : le décentrement, la place importante du ciel ainsi que celle du premier plan insignifiant, une palette chromatique réduite - ici avec la prépondérance du brun du sol et des animaux, avec le noir et le gris du ciel -, le resserrement de la scène sur la ligne d'horizon. Le thème de la vie des hommes avec les animaux a été aussi très fréquent chez Olivier, et ce marché a été photographié par lui ne nombreuses fois. Le cadrage allié au choix d'un objectif grand angle (un 24 mm) fait ressortir ici le sujet de l'image : Olivier aimait assez cet outil qui lui permettait d'approcher la personne de près tout en préservant une large part de la scène ; mais cela conduisait parfois à des déformations gênantes.

J'ai été touché par le portrait du berger, si adulte et si jeune à la fois. Mais aussi par cette communauté homme-animal que la domesticité avait rendu inhérente à la vie des campagnes, et que la vie moderne s'acharne à faire disparaître au profit d'une étanche barrière avec la nature sous prétexte de la préservation de cette dernière et de la restauration mythique de son état primitif, mouvement associé à une virtualisation galopante. C'est aussi l'éveil en moi d'une nostalgie face à cette élimination de toute une culture millénaire. Car cette image, pourtant récente, doit déjà appartenir à un passé révolu.

La photographie a été très bien notée. Elle avait été suivie d'une autre au cadrage quasiment identique mais à une exposition moins adaptée qui l'a fait être moins bien notée. Je n'ai pas retrouvé ce jeune homme dans toutes les séries prises par Olivier sur ce marché.

Trois photographies prises ce jour, mais dans la soirée, ont été déjà publiées dans le catalogue Dans la nuit kurde.

Cette photographie ne figurera pas dans le prochain catalogue sur le marché aux bestiaux d'Ağrı car il est limité à l'année 2009. Mais ces photographies pourraient faire partie d'un catalogue sur la vie dans les campagnes au Kurdistan de Turquie, et peut-être sur Ağrı.

Image du 31 octobre 2022 - semaine 44 de 2022.

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